Noémie La Thug est tatoueuse professionnelle depuis l'été 2016. Son parcours personnel et son expérience dans les arts visuels ont contribué à sa croissance rapide au sein de l'industrie du tatouage. Tout d'abord, elle a obtenu un diplôme d'études collégiales en arts plastiques. À cette époque, elle vise une carrière en peinture, mais elle obtient ensuite un baccalauréat en arts visuels de l'Université Concordia où elle se découvre une passion pour la sérigraphie, qui devient son support de prédilection. Après ses études, Noémie a continué dans la sérigraphie en travaillant quelques années comme assistante de production pour un sérigraphe talentueux, Jason Cantoro, et son agent Karine SK. Avec eux, elle a beaucoup appris, que ce soit sur l'aspect technique du métier, ou sur l'aspect gestion d'entreprise. Elle a ensuite arrêté ses activités artistiques pour se diriger vers un baccalauréat en design graphique à l'UQAM. Ce fut une expérience très enrichissante qui l'a convaincue de revenir à ses bases et de se concentrer plus que jamais sur le dessin. Après deux ans d'études, elle a quitté l'école et tous ses emplois et a commencé à travailler de manière indépendante. Le tatouage est venu peu de temps après et, depuis lors, elle n'a jamais cessé. Avec son parcours artistique unique et une maturité palpable à travers son travail, elle est aujourd'hui une tatoueuse à succès !
CAISSE IBA : NOEMIE LA THUG. à partir de Plenty Humanwear on Vimeo.
*** ENTREVUE ***
Comment décririez-vous votre style de tatoueur ?
Dessin au trait, blackwork. Le style actuel je suppose.
Qui a influencé votre style ou a eu le plus d'influence ?
J'aime le style traditionnel et le blackwork. Ce sont les styles qui inspirent le plus mon travail. Côté images, je collectionne les livres d'histoire de l'art, j'ai une éternelle admiration pour les dessins et peintures antiques, surtout Renaissance et gravures. Voici quelques-uns de mes tatoueurs préférés :
- Christian Lanouette (atelier Sans Regret, Montréal), c'est probablement l'artiste que je suis le plus;
- J'adore le style bizarre et non conventionnel de Fatality666 (studio Sans Regret, Montréal);
- Pour le style traditionnel, Victor Vaclav est un poids lourd à ne pas négliger (Le Mausolée, Montréal);
- Sylvie Le Sylvie, maintenant située à Vancouver, pour le motif et l'originalité.
- J'ai un gros coup de coeur pour le travail de Fvego_tattoo, un artiste espagnol relativement inconnu et bien sous-estimé à mon avis.
- Dans le département de blackwork, Ignaccio et Hanaroshinko sont les patrons ;
- Le studio East River Tattoo de New York abrite certains des artistes les plus étonnants, tels que Duke Riley, son travail m'épate, Rob Banks of America et Jenna Bouma (Slowerblack), pour n'en nommer que quelques-uns ;
- Sinon Lainsellar est aussi ridiculement dope.
Je pourrais facilement en nommer 47 de plus, mais c'est tout pour l'instant.
Qui vous accompagne dans vos projets ?
David Brown (Wolfgang Social Club) est le premier tatoueur qui a accepté d'être mon mentor, de m'apprendre les bases et de me fournir le matériel adéquat. Sans lui, je ne serais pas là où je suis maintenant ! De plus, mon petit ami, depuis le tout début, m'a aidé à gérer mon anxiété et m'a encouragé à continuer. Mes parents, ils sont tellement fiers que leur fille vive de son art. Mes amis, qui m'ont prêté leur peau quand j'étais, enfin, pas très maître de ma main, je vous remercie tous, et ceux qui me fixent encore rendez-vous malgré la longue liste d'attente, la complexité du processus de réservation la hausse des prix, merci encore plus ! Enfin, mon bff Ludovic (Lucy_culture), toile d'exploration #1, et plus grand fan, haha !
En tant que femme, devez-vous relever plus de défis en tant que tatoueur ? Si oui, quels sont ces défis ?
Je pense que les femmes sont de plus en plus acceptées dans l'industrie. Les femmes ne font pas que prendre leur place, elles prennent le relais, carrément ! De par leur minutie, leur minutie, leur finesse et leur sensibilité. Ce n'était pas comme ça il y a quelques années, je pense que c'est un changement assez récent. Quant à moi, je ne me sens ni intimidé, ni diminué, ni négligé de quelque manière que ce soit. Heureusement, mon expérience en tant que tatoueuse a été très enrichissante. Tout va bien jusqu'à présent. Mais j'ai une forte personnalité, je tiens bon, ça a dû aider ! Haha !
Qui a été votre premier (courageux) client ?
J'ai dessiné ma première ligne sur ma propre jambe, une sorte de rite de passage. J'ai un dessin de main tremblante sur mon mollet gauche, haha ! A part moi, le cobaye de ma première expérience était un ami de longue date, Marc Flynn. Cela se passait dans mon salon au Château Saint-Ambroise : sans me le dire, il avait appelé quelques amis pour regarder le tout. C'est ainsi que je me suis retrouvé avec 8 Snapchats et une bande de mecs agités et à moitié ivres qui regardaient par-dessus mon épaule pendant que je faisais ce tatouage d'une pizza toute habillée. Parlez d'une configuration stressante ! Non recommandé! Haha !
Quels obstacles avez-vous rencontrés en tant qu'apprenti ?
Faire face au stress. Sachant que ce que j'ai fait est permanent, et ce n'est pas propre, ou trop profond, ou tout simplement foiré. C'est le pire sentiment qui soit ! J'ai passé tellement de nuits blanches à penser aux défauts de mes tatouages. Ce n'est pas comme rater une coupe de cheveux. Il ne repoussera pas. Il n'y a pas de seconde chance. Cependant, mon obsession pour l'imperfection m'a amené à remarquer et à analyser mes erreurs. J'apprends d'eux et cela m'aide à évoluer, grandir et m'améliorer assez rapidement. Outre le stress, je dirais que la peau est toujours une sorte de jack-in-the-box. Chaque peau est différente dans sa constitution, son élasticité et sa texture et cela a un impact sur la production de la pièce, c'est super imprévisible. Dès que mon aiguille touche la peau, je sais si ce sera une séance facile ou non. La partie du corps, la torsion requise, et même trouver la bonne position pour travailler sont des préoccupations quotidiennes. La manipulation de la machine et du revêtement m'est venue naturellement.
Une anecdote amusante à partager avec nous ?
Rien de particulièrement drôle ne me vient à l'esprit… Bon, il y a toujours la chute typique de la tension artérielle, mais ça n'a rien de fascinant, haha ! J'ai créé un environnement de travail professionnel en termes d'ambiance et de sélection de projets. Je ne suis pas trop sauvage en termes de production… Sauf une fois au chalet.
Yous avez récemment rejoint un nouveau studio à Montréal, qu'est-ce qui vous inspire avec ce nouveau départ?
Oui! Le studio Minuit Dix ne regroupe que des femmes tatoueuses. Je trouve très inspirant de travailler avec des femmes aussi talentueuses (Muriel de Mai, Mon père était parachutiste, Luci, etc.). Le passage de mon salon personnel à un studio a été motivé par le besoin d'apprendre, de partager et d'échanger avec d'autres artistes. J'avais l'impression d'avoir atteint un plateau en travaillant seul et je suis très enthousiaste à l'idée de ce changement. J'ai eu quelques offres d'autres studios à Montréal, mais Minuit était vraiment l'un des meilleurs pour moi. L'endroit est super lumineux, il y a des plantes partout, l'ambiance est calme, paisible et décontractée, pas intimidante du tout. Je suis ici depuis presque une semaine maintenant et j'adore l'ambiance. J'ai tellement hâte de voir la suite !
Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?
Je partage toujours mon temps entre le tatouage et le dessin indépendant. J'aimerais continuer à faire les deux si c'est possible. J'aimerais aussi me remettre à la peinture et à la sérigraphie, utiliser mes connaissances et intégrer mon style à ma peinture. Je pense que quelque chose de gentil pourrait en sortir. Pour l'instant, je n'ai pas le temps de tout faire, avec toute la gestion qu'exigent les réservations, la comptabilité, la prise des messages et les réponses, et bien sûr le temps passé à dessiner, à réaliser les tatouages et à rencontrer les clients… Sur sur le long terme, j'aimerais bien avoir mon propre studio. Je préfère être mon propre patron et je me débrouille bien. Avec les bons partenaires, je pense que ça marcherait bien !